lundi 28 février 2011

Vous voulez quoi dans votre C.V. ?

Imaginez la situation suivante : un commercial de SSII se retrouve avec une opportunité de mission. Un collaborateur est en inter-contrat, en attente d'une mission. Que pensez-vous qu'il va se passer ?
Je me suis retrouvé dans cette situation relativement peu confortable. Travaillant comme architecte technique sur un projet, j'avais la responsabilité de la cohérence de l'application. Une part de mon activité visait à donner mon avis sur les C.V. de collaborateurs pouvant potentiellement renforcer l'équipe. Rien de bien difficile en réalité, la plupart des C.V. étant déjà présélectionné par le commercial, il n'y a quasiment aucune fausse note dans ces C.V. et pour cause.
Pour moi la démarche est toujours la même : suite à la réception du C.V., je rencontre le candidat pour faire connaissance et échanger sur ses expériences, sa motivation. Je n'ai pas réellement de levier sur l'intégration du collaborateur, mais c'est surtout une occasion de rencontrer un pair et de voir dans quel état d'esprit il entre sur le projet (souvent très différent si c'est un junior ou un senior ou s'il est en inter-contrat depuis longtemps ou non). Évidement, il m'arrive aussi d'avoir des surprises.
Un jour en rencontrant dans ce cadre un collaborateur, qu'elle ne fut pas ma surprise de me rendre compte qu'il n'avait pas la compétence requise pour entrer sur le projet. Rien de bien méchant, juste quelques mots clés ajoutés de-ci delà dans les expériences professionnelles. Bien entendu, je l'interroge sur la présence de ces compétences sur son C.V.. Il est décontenancé, il ne comprend pas, il n'est pas l'auteur de ces ajouts. Bien évidement, je le crois, il n'a pas intérêt à utiliser ce genre d'artifices pour être intégré au projet.
Certains me diront, "bon ... ça arrive" ou "c'est fréquent ... de toute façon c'est comme ça qu'on peut placer les gens". En réalité ça pose un certain nombre de problèmes. Tout d'abord, et c'est pour moi le principal, c'est malhonnête. Qui inventerais des compétences sur son C.V. pour trouver un poste ? Qui oserait mentir sur son C.V. afin de décrocher un poste ? Personne évidement.  Alors imaginez quand on le fait à votre insu. Cette pratique met le collaborateur en difficulté dans les entretiens ou il est incapable de justifier son propre C.V., on le place dans une posture impossible à tenir après l'avoir convaincu de défendre son nouveau C.V.. Par ailleurs, et c'est aussi important que le reste, ça pose un problème de crédibilité de la SSII face au client. Il finira bien par voir que le collaborateur n'est pas compétent et comme tout client il n'aime pas être pris pour un pigeon. Ça peut même dans certains cas mettre en difficulté le projet. Enfin, c'est parfois de grossières erreurs. Le C.V. étant modifié par une personne n'ayant pas de compétences techniques, il le rend proprement incohérent, d'où la difficulté du collaborateur a le justifier.
Alors on s'interroge, pourquoi cette pratique ? La réponse est hélas directe : la rentabilité à court terme. Le principe est simple : placer un maximum de personne sur des projets (ou des régies) facturées, quitte ensuite à jouer aux chaises musicales pour adapter les compétences aux besoins. Mais la seconde étape n'a jamais lieue (ou que très rarement). Une fois que les personnes sont facturées on ne touche plus à rien, et l'argent rentre.
Mais bon, c'est pas très grave au final. Si on accepte de modifier les C.V., c'est plus facile pour le commercial de placer ses gars, ils se débrouilleront bien sur le projet par la suite, qu'il se dit.
Mais si on refuse cette pratique, que se passe-t-il ? Dans le meilleur des cas : rien. Et oui l'honnêteté n'est pas récompensée, normal me direz-vous. Mais rassurez-vous la malhonnête n'est pas non plus sanctionnée. En tout cas même si vous faites la remarque au commercial de façon diplomatique il n'aime pas beaucoup ça : "J'ai constaté qu'il y avait des erreurs dans le C.V. de Cédric, nous les avons corrigées ensemble pour la présentation au client.". Et là, c'est une forme de désagrément que l'on lit sur le visage du commercial, une forme de crispation ... il y a un risque pour son objectif.
Mais vous savez ou est la perversité ultime de ce système ? Le collaborateur est un jeune diplômé en période d'essai et le commercial est notre responsable hiérarchique. Il s'en souviendra peut-être pour l'évaluation annuelle, si elle a lieue.

2,13 Kg de plus sur le dos.

5 commentaires:

  1. Classique... Et très fréquent en effet.

    J'ai eu une fois la surprise de voir mon CV arrangé de façon à largement arrondir mon nombre d'années d'expérience vers le haut (3 ans et des poussières -> 4 ans). C'était parfaitement idiot : j'avais déjà un très bon CV pour le job, et il suffisait de refaire le calcul pour trouver le bon chiffre, donc ça n'apportait rien d'autre que le risque de se trouver décridibilisé devant le client.

    En pratique, les clients ne sont pas souvent dupes non plus, du moins les gros comptes qui ont régulièrement recours à la sous-traitance. Et dans ce cas, l'entretien client/prestataire est là pour clarifier les choses. Mais évidemment il arrive que ça se passe mal...

    La position de supérieur hiérarchique pour un commercial est source de conflits d'intérêts évidents : ça ne devrait pas arriver (et heureusement ça n'a jamais été mon cas).

    RépondreSupprimer
  2. Oui, j'y ai eu droit aussi, par un habile passe/passe des dates de stages et d'embauche.
    Mais dans cette histoire ce qui m'a choqué c'est l'impact sur le jeune collaborateur. En période d'essai il n'osait évidement pas prendre position. Ce fut à la fois une forme de bizutage pour lui (en le rendant complice malgré lui de cette pratique) et donc une forme "d'abus de position dominante" claire de la part du commercial.

    RépondreSupprimer
  3. J'ai aussi vu un coup dans le genre où le client final voulait un CdP avec plus de 10 d'expérience... manipulation simple du commercial : proposer un chauve, modifier sa date de naissance ( 5 ans) et bidouiller un peu le parcours... sans prévenir le collaborateur bien évidemment ( bon, c'est pas passé et la ssii s'est fait éjectée gentillement...)

    RépondreSupprimer
  4. C'est confirmé ... mon manager est réellement malhonnête. Je viens de commencer une nouvelle mission, le collaborateur avec qui je bosse a "gagné" 2 ans d'ancienneté et des compétences spécifiques à la mission qu'il n'a pas ... bref un exemple de plus de manipulation de CV.

    RépondreSupprimer
  5. Le plus drôle dans l'affaire, c'est que si le collaborateur fait une remarque devant le client à propos de la modification de son CV, c'est lui qui se fera taper sur les doigts... pas le commercial.

    RépondreSupprimer